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Pourquoi l'impunité prévaut-elle au Liban?

Karim EL MUFTI, le 4 août 2025.

5 ans après la double explosion du port de Beyrouth sans l’avènement d’une quelconque justice ou réparation, l’UE vient rappeler l’importance de mettre fin à l’impunité pour redresser le Liban.

Facile à dire sachant que la justice ne se décrète pas de Bruxelles ou de Washington. Ses rouages doivent émaner du coeur même d’une société qui décide de s’en approprier les valeurs et les mécanismes.

Alors pourquoi diable le Liban semble-il si réfractaire à toute lutte contre l’impunité ?

La racine de cette ablation de la justice dans le tissu social libanais tient à un profond renversement de l’échelle des valeurs qui eut lieu au sortir de la guerre civile dévastatrice. En adoptant la loi d’amnistie de 1991, le Liban officiel exonère d’un trait de plume l’ensemble des milices et leurs chefs respectifs de leurs responsabilités pénales s’agissant des massacres et crimes commis durant les 15 années de conflit.

A cette époque, Nelson Mandela n’ayant pas encore inventé la « justice transitionnelle » en Afrique du Sud, il n’était donc pas anormal pour les Libanais – ni pour les Européens d’ailleurs – d’accepter de sacrificier la justice à l’autel d’un retour à un semblant de normalité et de stabilité.

Mais lorsqu’une société gracie des criminels de guerre ayant (volontairement) massacré des civils, comment escompter pouvoir poursuivre en justice des fonctionnaires corrompus dont l’outrageuse négligence a (involontairement) causé la destruction de la moitié de Beyrouth ? Là sied le nœud gordien de la quête de toute justice au Liban.

Résultat ? Toujours aucune réponse quant aux causes de la double explosion, la fragmentation des associations des familles de victimes aujourd’hui inaudibles, aucune poursuite judiciaire. Certes le régime aime protéger ses sbires corrompus, mais force reste de constater que la société libanaise ne se montre pas foncièrement combative sur ce sujet. A force de verser dans la « résilience », la justice, elle, passe au second plan, durablement.

A la même époque de la double explosion, un autre dossier de justice rendait ses conclusions sur un autre crime, terroriste celui-là. Le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) avait même dû repousser son rendu à cause du drame national de la destruction de pans entiers de Beyrouth.

Avec son jugement du 18 août 2020, une cour de justice comptant des juges libanais a pu pour la première fois dans l’histoire judiciaire du Liban, condamner très officiellement les responsables d’un attentat politique, le cas échéant ici des membres du Hezbollah ayant conduit l’assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005.

Résultat ? aucune arrestation, aucune conséquence sur le capital politique du Hezbollah, Saad Hariri, héritier politique de son père assassiné, avait quant à lui « pardonné », avant de se retirer de la vie politique libanaise.

Plus avant, le TSL, pourtant efficace et incisif, fut clôturé, dissous sans que personne ne le défende, accusé d’avoir été l’instrument d’une « justice sélective », considéré comme « trop cher », les médias ayant régulièrement cloué au pilori les budgets consentis par l’ONU et le gouvernement libanais.

Je me souviens de débats particulièrement houleux avec des collègues de la société civile libanaise que j’avais du mal à persuader de l’opportunité historique de ces mécanismes à l’œuvre.

Il leur était compliqué d’intégrer l’idée qu’une justice efficace coûtait cher et que, dans le contexte de l’impunité totale au Liban, toute justice était bonne à prendre. Le TSL servait une justice « sélective » certes (pourquoi Rafic Hariri et pas les autres ?), mais n’était-il pas judicieux de s’emparer du fil de la justice au Liban par un bout, quel qu’il soit, indépendamment de nos attentes utopiques?

La fermeture du TSL fut d’ailleurs un déni de justice pour les « cas connexes » prévus dans ses travaux, à savoir les autres assassinats politiques de cette même époque (Gébrane Tuéni, Georges Hawi etc.) lesquels ne recevront jamais de réponse.

En dénigrant systématiquement toute quête de justice au motif de considérations communautaristes, politiques ou idéologiques, la société libanaise perd autant d’opportunités de réactiver la boussole de la justice. Dans un contexte où les Libanais n’ont pas le luxe du choix des priorités nationales en matière de justice, toute avancée dans cette quête devrait être soutenue et développée, dans l’espoir de provoquer un effet boule de neige.

Tandis que l’on commémore la tragédie du terrible 4 août – toujours impunie cinq ans après, il est utile de rappeler que seuls les citoyens pourront porter ce type de combat ; encore faut-il qu’ils en assument le choix à l’avenir.

Hamas Attacks on Southern Israel: Reactions from Lebanon


By Karim El Mufti
Professor of Political Science and International Law
Science Po Paris & Saint-Joseph University in Beirut

European Institute of the Mediterranean (IEMed)
November 2023

On 7 October 2023, the Palestinian armed group Hamas – acronym in Arabic for ‘Movement of Islamic Resistance’ – attacked the outskirts of Gaza inside the Israeli southern territory, killing more than a thousand Israelis, between military personnel – inside targeted barracks – and civilians in several kibbutz and other neighbouring towns. This offensive has shaken Israel to the core and led to a massive military retaliation against the Palestinian population inside the Gaza strip, causing unspeakable losses of lives and suffering, with more than 10,000 casualties killed so far, among whom half are children.
This tragic escalation of violence between Hamas and Israel brought direct implications to the Lebanese context, which constitutes a standing front between the Lebanese militia Hezbollah and Israel, as the two countries are still officially at war. Since the July-August War of 2006, the Lebanese-Israeli conflict was punctuated by balanced rules of engagement, with regular clashes and skirmishes between the two sides.

The day after the Hamas attacks, the Lebanese front reignited with shelling occurring from and into the two countries, leading to casualties. Fears started to rise in Lebanon as to the possible extension of the conflict engulfing the country into a new round of destruction as in 2006. Lebanon and its population are already extremely vulnerable as its economic situation has been crumbling since October 2019, due to a historic multidimensional crisis, coupled with acute institutional paralysis.

Since October 2022, the country is undergoing once again a dangerous void among its key political institutions, as Lebanese parliamentarians were unable to elect a new President of the Republic. The Cabinet is handled by a caretaker government and the Parliament is unable to enact legislation until the issue of the election of the country’s president is addressed.

Full paper here

Les ambitions régionales du Hezbollah aux prises avec les sables mouvants du gouffre libanais

 


Karim El Mufti, Professeur de sciences politiques et relations internationales, intervenant à Sciences Po Paris et l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.

Orients Stratégiques, num.15, Décembre 2023.

 

Si le Hezbollah a su se constituer comme véritable fer de lance de "l'axe de la résistance", c'est à l'aune d'impressionnantes percées géopolitiques qui ont jalonné les 20 dernières années. Ajoutons à cela le résultat des manœuvres à succès au sein du contexte libanais qui lui ont permis de se dégager une réelle liberté de mouve¬ment et de décision sur les questions de guerre et de paix.

Fort de ses succès régionaux, le Hezbollah est devenu trop puissant pour qu'il puisse se voir dicter une remise sur le tapis de la question de son désarmement, ou être confronté au sein des institutions politiques, au sein desquelles il s'est octroyé une réelle "vétocratie".

Le "parti de dieu" doit manœuvrer très délicatement, sachant pertinemment que si le pays sombre complètement, il risque de sombrer avec lui.

L'article complet à acquérir ici.


Guerre au cœur d’Israël: la ‘Hezbollahisation’ du Hamas

 

par Karim El Mufti 

Professeur de sciences politiques et relations internationales, intervenant à Sciences Po Paris et l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.

23 octobre 2023


Les connaisseurs du Moyen-Orient le savent bien, la région représente un véritable volcan. Ce dernier enchaîne moments d’accalmie et éruptions meurtrières, dont la dernière manifestation a dépassé tous les entendements par son caractère inédit et l’ampleur des pertes humaines aussi bien côté israélien que palestinien.


 NOUVEAU CHAPITRE GUERRIER A GAZA

L’offensive par voie terrestre, aérienne et maritime du « Mouvement de la Résistance Islamique » – signification de l’acronyme arabe du Hamas –, d’une ampleur sans précédent dans la profondeur stratégique de l’Etat hébreu, a atteint des villes, kibboutz et des installations militaires en territoire israélien. Le massacre de civils israéliens ainsi que la capture de militaires, dont de très hauts gradés, et la prise en otage de dizaines d’habitants sonne comme un véritable échec de la « stratégie d’invincibilité » de l’Etat hébreu, renversant le rapport de force sur le terrain.


Ce profond camouflet fait suite à la politique israélienne entendant neutraliser l’antagoniste palestinien plutôt que de rechercher un véritable partenaire de paix, en imposant un carcan caractéristique de l’apartheid, tout en soutenant d’intenses efforts de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, totalisant aujourd’hui près de 700,000 colons en territoires occupés palestiniens.


Les revendications palestiniennes ayant été mises en sourdine, Israël avait réussi à obtenir des soutiens d’Etats arabes avec la signature des accords d’Abraham en septembre 2020, fort de l’engagement de Washington en ce sens, dans le but de réduire un peu au silence la question palestinienne. Celle-ci était d’autant plus affaiblie par l’érosion de la légitimité politique de ses dirigeants, du fait de l’autocratie et la corruption de l’Autorité Palestinienne, ainsi que la qualification « terroriste » du Hamas, élu au pouvoir à Gaza aux élections de 2006 et jouant le coup de force en expulsant de manière brutale le Fatah de l’Autorité Palestinienne de l’enclave en 2007. Tirant profit de ces failles politiques, Tel Aviv pouvait justifier devant la communauté internationale de « l’absence de partenaire pour faire la paix ».


En l’absence de tout processus de paix, c’est donc le chemin de la guerre et de la confrontation qui fut celui du Hamas depuis Gaza durant les 15 dernières années, le territoire vivant au rythme du blocus et des ripostes militaires israéliennes à ses attaques aux roquettes. Quatre épisodes de combats (fin 2008, 2012, 2014 et 2021) ont déjà frappé Gaza de plein fouet, tandis qu’Israël confirmait sa supériorité militaire dans l’équation.


Durant la même période, les moments de trêve furent pour Israël une opportunité de tenter de brider le Hamas pensant arracher un certain seuil de sécurité en échange du passage de denrées essentielles, de carburant et de matériel médical. En autorisant le financement direct du Hamas par le Qatar à hauteur de 30 millions de dollars par mois, afin qu’il puisse accomplir un semblant de gouvernance à l’échelle locale, Israël s’était laissée convaincre de l’assoupissement de la faction islamiste. Depuis la trêve de 2021, le Hamas n’avait d’ailleurs plus participé à des attaques directes contre Israël, terrain laissé au Jihad Islamique, groupe armé palestinien de moindre envergure.   


Cette ruse du Hamas, suivie par son offensive éclair contre le territoire israélien du 7 octobre, s’inscrit dans une transformation de taille de son modus operandi ainsi que du calibre et de la stature du groupe armé.


LE HAMAS DANS L’ORBITE DE L’AXE DE LA RESISTANCE

Dès qu’il arrive au pouvoir à Gaza, le Hamas accélère la consolidation de son arsenal militaire afin de maintenir un semblant de pression militaire contre l’occupation israélienne. Le groupe, notamment sa branche armée des Brigades Ezzedine al-Qassam, ne ressemble déjà plus à celui des années 1990 lorsqu’il initiait des attentats-suicide contre des arrêts de bus et des pizzérias dans des villes israéliennes, en opposition au processus de paix initié à Oslo en 1993. Il reste d’autant plus une milice aux capacités rudimentaires, « bricolant » ses roquettes artisanales facilement interceptées par le système de défense ‘Dôme de fer’, et se débrouillant pour militariser le peu de ressources qu’il s’approprie du trafic via les tunnels communiquant illégalement avec l’Egypte.


Erigé comme « groupe armé de résistance contre l’occupation israélienne », le Hamas est fortement soutenu, politiquement et financièrement par l’Iran (à hauteur de 150 millions de dollars par an), fer de lance de « l’axe de la résistance » dans la région. Cependant, le groupe sunnite ne fait pas, à proprement parler, partie intégrante de cette alliance avant tout chiite. Celle-ci est d’ailleurs montée en puissance avec l’établissement d’un pouvoir chiite à Bagdad après l’intervention américaine en 2003, la sauvegarde du régime – alaouite – de Bachar El Assad durant la guerre en Syrie, ainsi que le soutien aux milices Houthis au Yémen à partir de 2014. En sus, le printemps arabe mettant en selle dans plusieurs Etats arabes des mouvances proches des Frères Musulmans, instance de référence pour le Hamas, va brouiller les relations entre le groupe sunnite et les composantes chiites de « l’axe de la résistance », notamment lorsqu’il choisira de soutenir des factions jihadistes opposées au président syrien et se battant contre les miliciens du Hezbollah.


‘HEZBOLLAHISATION’ DU HAMAS

La fin de toute opposition islamiste sérieuse au régime syrien ramènera les protagonistes de « l’axe de la résistance » à l’ennemi commun israélien, tout en enclenchant un rapprochement bien plus profond que les périodes précédentes. Le Hamas délaisse ainsi sa position orbitale pour être pleinement intégré au sein de « l’axe de la résistance », avec pour corollaire, les prémices d’une future transformation, calquée notamment sur le modèle du Hezbollah libanais. L’Iran exprimera d’ailleurs très vite son soutien à l’opération « Déluge Al Aqsa » tout en rejetant toute rôle dans l’offensive. En amont, une rencontre de haut niveau avait réuni en septembre dernier à Beyrouth le ministre iranien des Affaires étrangères, des responsables du Hezbollah ainsi que du Hamas et du Jihad islamique palestinien, réaffirmant la solidité de l’alliance entre membre de « l’axe de la résistance ».


Partant, le manque de vigilance de la partie israélienne a permis au Hamas de se rapprocher du niveau d’un groupe aussi menaçant que le Hezbollah, véritable bête noire de Tsahal. Les promesses des responsables politiques israéliens « d’éradiquer » le Hamas « une fois pour toute » font résonner les échecs de l’invasion du Liban de 2006, censée éliminer la milice surarmée libanaise. A l’époque, le Hezbollah sut mettre en échec les objectifs de l’offensive israélienne contre le Liban à la suite d’une opération du groupe armé libanais contre l’une de ses patrouilles le long de la ligne bleue.


A l’issue des 33 jours de guerre, le Hezbollah en est ressorti renforcé, tant politiquement – son chef Hassan Nasrallah considéré un temps comme le leader arabe de la résistance antisioniste, que militairement. S’auto-auréolant de sa « victoire divine », le Hezbollah décrète l’instauration d’un nouveau rapport de force avec l’Etat hébreu, se faisant le chantre d’une politique de dissuasion à l’encontre de toute velléité militaire israélienne à l’encontre du Liban. Depuis, le groupe a grandement affiné son expertise militaire en étendant le rayon de ses interventions, d’abord dans la guerre de Syrie, puis au Yémen, ainsi qu’en Irak, aux côtés des milices chiites du Hachd Al Chaabi que le groupe armé libanais a contribué à former.


Par conséquent, lorsque Hassan Nasrallah affirmait en octobre 2021 disposer de « 100,000 combattants armés et entraînés », chiffre vite balayé par la partie israélienne comme du ressort de la propagande, il est fort à parier que l’annonce entendait inclure l’ensemble des combattants de l’axe de la résistance, dont ceux du Hamas sunnite. Entretemps, ce dernier était devenu le discret récipiendaire d’un investissement massif de la part du Hezbollah et des gardiens de la Révolution iranienne en vue d’accélérer une transformation significative en termes de capacités militaires, technologiques, opérationnelles et planificatrices. En cela, le Hamas a pu opérer un changement radical de sa physionomie de groupe armé pour remettre avec fracas le dossier de l’occupation israélienne sur l’agenda régional et international. En même temps, il évite de se faire durablement concurrencer par de nouveaux groupes armés en Cisjordanie, tels le « Bataillon de Jénine » ou les « Fosses des Lions » à Naplouse et propulse sa popularité locale en tant que « défenseur de la cause palestinienne ».


Lors de l’offensive du 7 octobre, il n’a pas dû échapper aux autorités israéliennes les éléments de cette ‘Hezbollahisation’ du Hamas, lui donnant les moyens de frapper au cœur d’Israël, sidérant par-là la région et le monde. En s’alignant sur le modus operandi du Hezbollah, reconnu par Israël comme un acteur à ne pas sous-estimer, les Brigades Ezzedine al-Qassam ont démontré une bien différente disposition en termes d’organisation et de force de frappe militaires, représentant un point de basculement stratégique sur tous les plans.  


S’agissant de l’avenir du Hamas, désormais la cible du rouleau-compresseur israélien, la question se pose de savoir si l’opération ‘Déluge Al Aqsa’ du groupe armé s’inscrit dans une démarche sacrificielle pour le compte de « l’axe de la résistance », du fait de la prévisibilité de la contre-offensive israélienne visant à l’annihiler. Ceci dit, force reste de reconnaître que le Hamas tentera de mettre à profit les enseignements légués par le Hezbollah afin d’assurer sa survie pour, le cas échéant, chercher à tirer parti de sa nouvelle stature politico-militaire dans la région./.

 

 

 

 

 

 

 


Beirut port blast: Transitional justice, a way to break the cycle of impunity

 By Karim El Mufti

Published by L'Orient Today on August 4, 2022, link here

“Five days!” This was the populist promise of a swift investigation, made by the Interior Minister Mohammad Fahmi in the aftermath of the Beirut port explosion on Aug. 4, 2020.

 Two years later, as the collapse of some of the port silos reawakens the nightmare of that moment of horror, impunity remains the order of the day.

 The lead investigating judge on the case, Tarek Bitar, who took over the file after the dismissal of his predecessor Judge Fadi Sawan, has been hampered by ominous political maneuvers, which still favor the “strategy of amnesia,” aiming to gradually lift the weight of accountability from those responsible for the blast.

 After all, how could authorities who were never worried about war atrocities and crimes against humanity committed during the 1975-1990 Civil War (thanks to an unconditional self-proclaimed amnesty in 1991) now worry about what they themselves consider to be a “series of negligent and incompetent acts, accumulating over the years at different levels,” to quote President Michel Aoun in his speech last year commemorating the first anniversary of the tragedy.

 For their part, the judicial authorities also failed to assess the enormity of this earthquake that shook the Lebanese capital.

 At first, things seemed to go in the right direction. The government decided on Aug. 10, 2020 to refer the port blast file to the Judicial Council — a special body dedicated to crimes undermining the country’s security — in lieu of the military court. This was despite the council’s serious shortcomings in adhering to fair trial principles.

 It was also ludicrous to entrust a case of such magnitude to a single investigative judge and a handful of clerks — a decision that was not re-assessed or questioned.

 Even requests to internationalize the investigation efforts went unheeded. The day after the tragedy, I wrote to the Secretary-General of the United Nations to urge him to activate an existing mechanism that has empowered people in his post since the late 1980s to investigate allegations of chemical weapons use.

 The suspicions that this gigantic stock of ammonium nitrate, irregularly stored at the port of Beirut since 2014, was being trafficked to Syria in the midst of the Syrian war should have prompted him to activate the mechanism, or even to connect the blast to the investigation mechanism, adopted by the UN Security Council in 2015 to identify “to the greatest extent feasible individuals, entities, groups or governments perpetrating, organizing, sponsoring or otherwise involved in the use of chemicals, including chlorine and other toxic products, as weapons in Syria.”

 Given the few achievements from the Lebanese justice system, entangled in its contradictions, and the lack of cooperation from the international community, perhaps the time has come for Lebanon to explore new tools to activate truth-seeking processes and to truly recognize the suffering caused to the blast’s victims and their families.

 Actions under the umbrella of transitional justice could provide a framework to respond to the vital “right to know” of Beirut residents and the victims.

 This right is not alien to Lebanon. In 2014 the Shura Council recognized that the families of those who disappeared during the Civil War have the right to know the fates of their loved ones.

 By transitional justice, we mean measures taken to know the truth, acknowledge responsibility and offer apologies and reparations for past injustices with the aim of ensuring real reconciliation.

 This field of action goes back to the framework set by President Nelson Mandela working to pacify South Africa after nearly 50 years of apartheid.

 South Africa’s Truth and Reconciliation Commission was a conceptual innovation that anchored alternative modalities to more conventional judicial practices, one that acknowledges the dignity of victims, while pointing the finger at those responsible for atrocities.

 Lebanon has always been against any mechanism remotely related to transitional justice, but the devastation of swathes of a capital city in a few seconds could be the founding moment for the country to end the cycle of impunity for its leaders.

 To start such a process, it is not necessary to reconstruct the entire gigantic puzzle of the case, which could be based on the smallest part of the undisputed facts of the tragedy, namely the first report of the fire that broke out in the port and was filmed and shared on social media at 5:54 pm, causing one explosion at 6:07 pm and a second explosion 35 seconds later at 6:08 pm.

 During these 14 long minutes, no political, military, security or administrative officials — although aware of large quantities of ammonium nitrate unsafely stored in the port — saw fit to warn the population to seek shelter.

 President Aoun confirmed that he was informed of the presence of the explosive material on July 20, 2020. Former Prime Minister Hassan Diab said he knew on June 3. The concerned ministers and security officials, including then-Army Chief Gen. Jean Kahwaji were also aware of this.

 In view of the ongoing judicial paralysis, the likelihood of expecting indictments for “manslaughter” and “non-assistance to persons in danger,” is not great.

 This is where a parallel process of transitional justice would come into play, establishing a framework for enhancing the expectations of the victims without having to comply with the procedural requirements of criminal courts, and without overshadowing the judicial proceedings in progress.

 No authority necessarily has a monopoly on launching such an initiative: MPs, journalists, activists, families of the victims — any institution or group of institutions could mobilize and exert enough political and social pressure to challenge the political class’ criminal negligence.

 This being said, the independent administrative authorities that have recently emerged in Lebanon (the National Human Rights Commission and others geared towards anti-corruption and the disappeared) have the necessary tools, notably the prerogative to form independent fact-finding bodies, to reach such goals.

 In concrete terms, the establishment of a commission under transitional justice would bring the officials who were aware of the presence of the ammonium nitrate stockpile to recount — publicly and individually — their actions, moment by moment, during the 14 minutes of the fire preceding the explosion, before publicly apologizing for their negligence.

 These testimonies could even take the form of depositions submitted to the Judicial Council — if it is ever allowed to resume its proceedings — and could be used as extenuating circumstances in possible indictments, as Lebanese legislation already allows.

 Such measures revolve above all around the concept of political and moral wrongdoings while rejecting any direction towards amnesia for the acts committed. They also sustain the victims’ “right to know” and quash any possibility of an unconditional amnesty or statutes of limitations for the offenses.

 This is not an easy feat. But the track of transitional justice offers the advantage of broadening the field of mobilization beyond the sole judicial instance, whose pace does not necessarily reflect the immediate expectations of a population who fell victim, yet again, of another atrocity.

 

Karim El Mufti is a visiting professor at the Saint Joseph University of Beirut and an international expert for justice and security affairs.