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Au Liban, l’avenir de la contestation passe par la conquête des pouvoirs intermédiaires

Publié dans l'Orient-Le Jour
25 janvier 2020
https://www.lorientlejour.com/article/1203764/lavenir-de-la-contestation-passe-par-la-conquete-des-pouvoirs-intermediaires.html 

Depuis sa nomination, le Premier ministre Hassane Diab a dû faire face à différents défis pour la composition de son gouvernement, pris entre le marteau de la représentativité sunnite au sein du jeu des quotes-parts politiques, et l’enclume des protestations du 17 octobre qui revendiquent un cabinet totalement indépendant et non partisan. Ce processus de formation, qui a duré un peu plus d’un mois, a été ultérieurement compliqué par le contexte régional et les suites de l’assassinat de Kassem Soleimani, en début d’année.

En même temps, et pour mettre un peu de distance vis-à-vis des partis politiques, Hassane Diab a mis en avant le caractère « technocrate » de son cabinet, à défaut de pouvoir le qualifier d’« indépendant ». En cela, ce gouvernement présente une configuration assez nouvelle par rapport aux différents cabinets qui virent le jour depuis l’accord de Doha de 2008.

Cette spécificité gouvernementale est cependant déjà rudement mise à l’épreuve, notamment par la tournure prise par l’opposition politique qui se trouve éclatée dans une période de grande instabilité. Du côté des formations politiques traditionnelles non associées au gouvernement (courant du Futur, Forces libanaises et Parti socialiste progressiste), l’absence de front uni, suite aux brouilles entre leurs chefs respectifs, devrait limiter leur champ d’impact à court terme. La fragmentation est également de mise du côté des différents courants qui animent les protestations contre le régime depuis le 17 octobre, aucune matrice commune ne se dégageant sur les alternatives susceptibles de renverser la structure du pouvoir en place. Ces courants sont également divisés vis-à-vis de la position à adopter au sujet du nouveau gouvernement de Hassane Diab, les uns revendiquant sans plus attendre sa démission, tandis que d’autres affichent une certaine conciliation et préfèrent juger sur les actes de l’exécutif.



Pression multiforme

Résultat, le contexte demeure très volatil et manque de lisibilité, ce qui donnera sans doute lieu à des stratégies désordonnées dans les rangs des contestataires. Les plus radicaux prônent la poursuite de la violence de rue pour maximiser la pression contre le régime, entendu comme un tout. En même temps, des voix s’expriment en faveur d’une désobéissance civile à l’égard du paiement des différents dus aux secteurs public et bancaire, tout comme des appels s’élèvent pour des élections anticipées, l’indépendance de la justice, le remplacement du gouverneur de la Banque centrale, ou des sanctions contre les agents des brigades antiémeute qui ont occasionné de sérieux handicaps parmi les manifestants. Tout ceci dans un contexte de grave choc socio-économique que doivent encaisser les différentes couches de la population touchées de plein fouet par les licenciements, les réductions de salaire et l’inflation galopante du fait du flottement officieux du cours de la livre libanaise face au dollar.

Au vu de la nature multidimensionnelle de la crise libanaise, cette pression multiforme aura sans doute du mal à venir à bout du système en place, malgré une Deuxième République à bout de souffle. Il n’en reste pas moins que la percée d’un gouvernement de nature hybride dénote un début d’affaissement de l’autorité des formations traditionnelles, qui ont dû composer avec la pression populaire, sans pour autant adhérer à aucune de leurs revendications, de peur d’un effet domino.
Cependant, si une conquête du pouvoir politique par les élections s’annonce problématique à court terme – notamment au vu des précédentes expériences connues par les listes issues de la « société civile » en 2016 et 2018–, d’autres stratégies pourraient être envisagées pour poursuivre le processus de délégitimation des gardiens du temple politico-communautaire et tenter de revivifier par endroits le processus de rétablissement de l’État libanais, otage de considérations miliciennes et mafieuses.


Défaire la doctrine de la trivialité


Car en dépit du caractère désorganisé des mobilisations civiques et populaires qui se refusent à se structurer en modèle pyramidal, celles-ci engendrent une puissante énergie en faveur de dynamiques d’institutionnalisation, basées sur le respect de la « Res Publica » et ses valeurs, telles que la citoyenneté et la justice sociale.
L’élection, tout juste un mois après l’éclatement de la révolte, du nouveau bâtonnier de l’ordre des avocats, Melhem Khalaf, constitue à ce titre un cas d’école pour des dynamiques réformistes basées sur une stratégie d’occupation des espaces intermédiaires de pouvoir et d’autorité. Une stratégie permettant à de nouvelles figures d’émerger et d’incarner les valeurs de l’État de droit et de bonne gouvernance à travers leur intégrité professionnelle et des actes très ciblés dans le cadre de leurs prérogatives.

Il s’agira pour les différents courants et mouvements de maintenir assez de pression pour essaimer des leaders dans les différents centres d’autorité qui serviraient de réels contre-pouvoirs aux oligarques en place. Du très proactif « Club des juges » – qui a su faire entendre une voix dissonante pour s’insurger aussi bien contre l’interventionnisme politique que les pratiques douteuses en cours dans les couloirs des Palais de justice – aux ordres professionnels, syndicats, coopératives agricoles ou marchandes, autorités de régulation et de contrôle, médiateur de la République (jamais nommé depuis 2005), etc. : là résident les énergies à libérer.


L’émergence de ces champions de l’intégrité et de l’action publique (au sens large du terme) contribuerait ainsi à défaire la doctrine de la trivialité qui a systématiquement paralysé les institutions publiques ces dernières décennies. À leur suite, chaque citoyen sera appelé à s’inspirer de l’esprit du 17 octobre afin d’appliquer une tolérance zéro vis-à-vis de la corruption dans son milieu professionnel et social.
Cette stratégie de conquête de ce qui s’apparente à des contre-pouvoirs favoriserait des dynamiques transformatrices qui, entrelacées avec les pressions populaires et civiques, animées par le choc du 17 octobre, contribueraient à battre en brèche la vieille acceptation du népotisme et de la corruption, et ancrer au contraire l’institutionnalisation comme véritable forme de gouvernance. Ainsi, un début de réappropriation de l’État pourrait passer par l’action de ces forces vives en aval, lesquelles maintiendraient cette boussole tout au long du chemin cahoteux vers une Troisième République libanaise qui reste à concevoir.

Par Karim el-Mufti
Enseignant-chercheur en science politique et droit international. Directeur de la Clinique juridique des droits de l’homme à l’Université La Sagesse.

Lebanon Protests: The End of the Longstanding Resilience?

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Published in Beirut Today, on October 20, 2019

Both celebrated and cursed, the Lebanese resilience –or capacity to endure the toughest of situations and contexts, is engraved in the known saying: “Like a Phoenix, Lebanon shall always rise from its ashes.”
For the past 50 years, the Lebanese have overcome wars, terrorism, security clashes, and Israeli aggressions, managing to rebuild their homes, secure their livelihoods and raise their children. They have endured all types of crises, up until the most recent monetary and financial strains, all while suffering from a political class that has been feeding off State spoils for decades. 
As greater corruption lies among the most crucial challenges, it seems the capacity of the Lebanese resilience has reached a breaking limit. 

Read the rest of the paper on this link

Working conditions, minimum standards and employer-provided protections in Lebanon

Case study research into Lebanese and non-Lebanese informal workers in the food and beverage industry in central Bekaa, Minieh and Akkar

 

Author: Dr. Karim El Mufti 

31 August 2018

Summary:

Many studies have investigated the crisis in livelihood, a crucial factor for the well being and dignity of displaced and refugee populations, and the lack of legal protection to which Syrian workers are subjected, especially in light of Lebanon’s crisis response plan.

This research intends to shed light on another angle to this issue, by focusing on protection-related questions within the food and beverage (F&B) industry, an increasingly informal sector due to worsening socio-economic conditions. According to the International Labor Organization, informality in the labour market is defined, “among other things, by the absence of explicit and registered work contracts and/or the absence of social security coverage for workers on the job".

The geographic scope of this research is the Bekaa and Akkar, economically underdeveloped regions that host the two largest Syrian settlements in Lebanon at 35.7% and 25.8% respectively. The study examines the employer’s role in the protection of vulnerable workers, whether Lebanese or Syrian, and relies on data collected from a survey in those two areas.

The survey encompasses 200 interviews with employees within the F&B sector (102 from Akkar and 98 from the Bekaa) generating information on the respondents’ formal status, working conditions and potential grievances. The study also relies on focus groups with local business employers in both areas.

Full study available in pdf here

Clinical Legal Education in Lebanon

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LA SAGESSE UNIVERSITY 
Support to Legal Aid in Lebanon


Clinical Legal Education in Lebanon, Models and Practices

Karim El Mufti

July 2017



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Executive summary



The word ‘Clinic’ comes from the medical universe, where interns learn from observing acting doctors and can be given a certain range of responsibilities in order to learn how to deal with certain issues and problems in society. From the United States, the legal clinical models have spread to what is known in the Clinic education literature as the “Global North”, i.e. Western Europe and Australia in the 1960’s and 1970’s. After the fall of the Soviet Union, Eastern Europe started integrating this form of legal education within its law faculties before it also reached the “Global South”, among which the Middle East and North Africa region (MENA) at the beginning of the 21st Century.

Among Clinical Legal Education (CLE) defenders lies a common understanding that traditional teaching methods of the law were inoperative given the lack of preparedness graduates would face when embracing lawyering carriers. As such, problem-solving of legal mazes and tangled situations is among the core pedagogical goals sought by Legal Clinics in all its variance of models and structures, be it in-house or externship or hybrid types of CLE. Connecting students to concrete situations hence enables them to burst their personal protective bubbles and exit their family and social cocoons in order to engage local communities, understand societal issues and problems and become defenders of social justice and public service.

In the MENA region, Lebanon has followed the tracks of countries like Palestine, Egypt and Jordan in incorporating CLE as of 2007 to reform its traditional and rigid teaching curricula. Among its seven law faculties in seven different universities, Lebanon has experienced the emergence of four different types of Legal Clinics, in the University of Holy Spirit of Kaslik (USEK) as of 2007, in La Sagesse University (ULS) as of 2007, in the Saint-Joseph University in 2011 and within the Beirut Arab University as of 2012. Each of these unique configurations within the Lebanese legal education system has enableed students to “learn by doing” and built a significant legal professional experience ahead of graduating from Law School, that has developed into an important element of the Law Faculties’ motto and teaching goals.

From the existing Legal Clinics in the Lebanese Law Faculties, two have incorporated the concept as a full course, whether mandatory like in ULS HRLC or an elective like in USEK Legal Clinic. These Clinics can rely on a well established and deeply rooted civil society, whether they run under an in-house or externship models, which allows for a greater involvement of students in legal aid activity with the relevant stakeholders and a direct access to the persons seeking justice, generally coming from underprivileged communities.

Since the establishment of Legal Clinics in Lebanon has been relying primarily on international support and funding, this aspect is often seen as an obstacle for the setting up of Legal Clinics that requires a certain number of fundamental investments to function properly. The four acting Legal Clinics have each dealt with the sustainability challenge in its own fashion and in line with its own objectives and model. As such, the strong engagement of the believers of CLE in Lebanese faculties has fostered new avenues for modern teaching methods of legal disciplines in the country. At the same time, all four active Legal Clinics have contributed in enhancing legal aid services to targeted underprivileged audiences, either directly such as the USJ and the BAU structures, or indirectly through the USEK and ULS models.
 

Read the full study here